Lorsqu’on évoque la myopathie atypique, on pense immédiatement à l’érable sycomore. Mais celui-ci n’est pas le seul à contenir des taux variables de la fameuse hypoglycine A, impliquée dans les cas de myopathie atypique.
On retrouve cette substance également dans les graines de l’érable negundo, une espèce exotique envahissante qui prolifère en Europe.
Originaire d’Amérique, acer negundo évolue essentiellement dans des milieux alluviaux : vous pourrez le trouver sur les berges des rivières servant à abreuver vos chevaux. A l’origine, il fut importé volontairement pour l’ornement en Europe, notamment pour sa croissance rapide.
Inventaire National du Patrimoire Naturel : Voir la carte sir le site de l'INPN
Si on le laisse se propager, il menace la biodiversité locale : certaines espèces d’arbres, mais également les herbacées. Il est notamment susceptible de concurrencer le saule blanc, espèce naturellement présente en Europe et très utile. Salix alba présente des propriétés médicinales utiles pour l’homme et les animaux. Il s’agit d’un arbre nourricier pour les insectes et les abeilles. Le saule attire les oiseaux insectivores. Espèce particulièrement adaptée à la nidification et formant des cavités naturelles, il abrite toutes sortes d’oiseaux, de serpents et de petits mammifères. Son système racinaire permet un bon maintien des berges et il fait partie des rares arbres à pouvoir survivre les pieds dans l’eau lors d’une crue.
L’érable negundo est quant à lui pourvu d’un système racinaire superficiel qui ne maintient pas bien les berges. C’est un arbre assez fragile, facile à déraciner, sensible aux inondations, et dont les branches cassent à la moindre occasion. Avec sa croissance rapide, il est responsable de dangereuses chutes de branches.
Pour ces raisons, cet érable est en quelque sorte l’ennemi public n°1 d’une structure équestre :
• Très toxique pour les chevaux en cas d’ingestion des graines (hypoglycine A).
• Dangereux pour l’homme et les petits équidés (chutes de branche)
• Fragilise les berges
• Colonise les berges en formant des groupes d’individus très denses : davantage d’entretien, accès plus difficile pour les chevaux qui peut les conduire à tenter des accès risqués + branches cassées, pointues, dangereuses et à couper régulièrement
• Colonise la surface en herbe : parcelle qui perd son intérêt fourrager, polinisateur, aromatique et médicinal
• Moins d’oiseaux insectivores : invasion d’insectes susceptibles de générer des allergies et de véhiculer des maladies.
• Espèce non autochtone qui menace la qualité de l’eau.
Des études menées en Lituanie ont étudié l’effet de la décomposition de l’érable negundo et d’autres espèces envahissantes non autochtone sur les plans d’eau douce et les cours d’eau. Ils ont observé une écotoxicité pour les organismes aquatiques, notamment les algues et les plantes, mais également certaines espèces de crustacés. Le risque est le développement d’organismes dont la présence est habituellement limitée par les caractéristiques du milieu, et qui pourraient être nocifs pour les animaux abreuvés.
Evidemment, la présence de cet arbre présente également des bénéfices. Il est traditionnellement employé pour provoquer des vomissements et pourrait avoir des propriétés anticancéreuses. Ses graines font le bonheur des écureuils et de certains oiseaux. La présence de branches au sol favorise le développement de certains insectes et champignons.
Néanmoins, en dehors de son habitat naturel, les inconvénients sont largement plus nombreux que les avantages. C’est pourquoi des plans de lutte contre cette espèce sont mis en place en Europe. Il semblerait que la méthode la plus efficace pour s’en débarrasser consiste à écorcer l’arbre en formant une bande nue de 20-30 cm de hauteur, à environ 1m du sol et sur tout le tour du tronc.
Egalement appelé Érable à feuilles de frêne, acer negundo ressemble à fraxinus excelsior, le frêne commun. Les deux arbres possèdent une écorce rugueuse profondément striée, ainsi que des feuilles caduques composées (plusieurs folioles pour un pétiole = plusieurs feuilles pour une tige) et portent des samares (graines en forme d’hélice). Attention, les jeunes arbres ont une écorce beige/grisâtre lisse chez les deux espèces. Pour les différencier, il faut compter combien il y a de folioles pour un pétiole. 3 à 7 : érable negundo. 7 à 13 : frêne commun.
Références :
Acer negundo, Annabel Porté (INRA Bordeaux), Avril 2016, Centre de ressources espèces exotiques envahissantes, Comité français de l’UICN, Office français de la biodiversité.
Westermann CM, van Leeuwen R, van Raamsdonk LW, Mol HG. Concentrations d’hypoglycine A chez les espèces d’érables aux Pays-Bas et apparition de myopathie atypique chez les chevaux. 2016 Mai;30(3):880-4. doi : 10.1111/jvim.13927. EPUB 2016 Mar 20. PMID : 26995161; PMCID : PMC4913566.
Manusadžianas L, Darginavičienė J, Gylytė B, Jurkonienė S, Krevš A, Kučinskienė A, Mačkinaitė R, Pakalnis R, Sadauskas K, Sendžikaitė J, Vitkus R. Effets d’écotoxicité déclenchés chez les organismes aquatiques par les lixiviats de feuilles envahissantes d’Acer negundo et d’Alnus glutinosa indigènes obtenus dans le processus de décomposition aérobie. Sci Total Environ. 2014 octobre 15;496:35-44. doi: 10.1016/j.scitotenv.2014.07.005. EPUB 2014 Juil 21. PMID : 25058932.
Krevš A, Darginavičienė J, Gylytė B, Grigutytė R, Jurkonienė S, Karitonas R, Kučinskienė A, Pakalnis R, Sadauskas K, Vitkus R, Manusadžianas L. Ecotoxicological effects evoked in hydrophytes by leachates of invasive Acer negundo and autochthonous Alnus glutinosa fallen off leaves during their microbial decomposition. Environ Pollut. 2013 Feb;173:75-84. doi: 10.1016/j.envpol.2012.09.016. Epub 2012 Nov 28. PMID: 23202636.
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